Les marges des entreprises ne cessent de se dégrader

Publié: 09/05/2016

marges des entreprises ne cessent de se dégrader

En deux ans, la marge opérationnelle des entreprises a fondu de 1,9 point et la marge nette a décroché de 1,6 point. Dans un contexte de crise, les entreprises sélectionnent leur clientèle et font des efforts sur les prix pour pouvoir vendre sans risque.

 

Le constat a de quoi inquiéter la communauté des affaires! Les marges des entreprises n’en finissent pas de s’éroder. De 8,3% en 2012, la marge opérationnelle moyenne est tombée à 7,2% en 2013 et à 6,4% en 2014. Pas plus reluisante, la marge nette moyenne s’est amenuisée de 1,6 point, à 4,9%. Ces chiffres communiqués pour la première fois par Inforisk, sur requête de La Vie éco, sont calculés à partir de la base de données du spécialiste du renseignement commercial, qui compte plus de 320 000 bilans.

Plus alarmant, la marge nette qui correspond à la création de richesse se situe à un niveau très bas chez les TPE qui constituent 92% du tissu productif de l’économie. Elle s’établit à 2,4% à peine, ne dépasse pas 3,7% chez les PME et tourne autour de 5,5% pour la grande entreprise. Aucun infléchissement n’est en vue.

Cette dégradation généralisée des marges est d’ailleurs confirmée par les chefs d’entreprises, les responsables des fédérations sectorielles, les banquiers et les assureurs crédits. Le président d’une fédération sectorielle rapporte que dans quelques secteurs les marges nettes ont été divisées par deux, voire trois, sur les trois dernières années. «Sur les bilans que nous recevons, les marges sont en baisse de 1,5 point en moyenne», indique une source à la direction du risque d’une grande banque de la place. Les chiffres de la DGI enfoncent le clou. Depuis 2011 et à fin 2015, 69% des 257 000 entreprises inscrites aux impôts ont été chroniquement déficitaires.

Dans certains secteurs, la contrebande et le dumping brident les prix

Pour expliquer le décrochage remarquable de la performance opérationnelle et de la capacité bénéficiaire, Inforisk invoque en premier lieu la baisse du chiffre d’affaires. Chez les TPE, il a dégringolé de 8% entre 2012 et 2014 au moment où les différents postes de charges sont restés quasiment stables. Pour les PME, les ventes -en hausse de 7% sur la même période- ont nettement décéléré. Les charges ont pour leur part augmenté mais d’une manière beaucoup plus forte que le chiffre d’affaires. Les grandes entreprises ont quant à elles vu leurs recettes baisser légèrement et les charges de personnel et autres charges externes suivre la trajectoire inverse.

«En gros, la baisse de l’activité explique la dégradation des marges chez la majorité des opérateurs», déduit Amine Diouri, responsable des études chez Inforisk. Il ajoute en substance que dans un contexte d’allongement sans précédent des délais de paiement et de recrudescence des défaillances, les entreprises deviennent sélectives. A l’image des banques, plusieurs opérateurs ont même mis en place des systèmes de scoring pour maîtriser le risque d’impayés. «L’enjeu n’est plus de vendre plus mais de vendre mieux pour sécuriser sa trésorerie», commente M. Diouri. Plusieurs responsables de fédérations sectorielles confirment ces propos.

Hicham Alaoui Bensaid, directeur risque d’Euler Hermès Acmar, relativise : «Nous sommes devant une problématique de baisse de la demande dans un contexte de ralentissement économique. Il est difficile de vérifier si les opérateurs ont volontairement réduit leur carnet de commandes ou s’ils ne trouvent pas du tout de clients». Pour lui, les négociations deviennent plus dures et il est plus difficile de vendre. Sur la majorité des secteurs, la concurrence a poussé beaucoup d’opérateurs à revoir leurs prix significativement à la baisse. L’inflation restée très faible -entre 0,4 à 1,9% sur les quatre dernières années- conforte son analyse.

Dans le même ordre d’idées, une source à la CGEM avance que les entreprises de plusieurs secteurs, particulièrement ceux en proie à la contrebande et au dumping, se trouvent obligées de baisser les prix pour pouvoir maintenir leur activité. Ce qui impacte négativement leurs marges.

Les charges financières grèvent davantage
les marges nettes

Par ailleurs, l’allongement des délais de paiement a obligé une bonne frange des PME à renforcer leur recours aux concours bancaires, notamment les crédits de trésorerie. Les banques commencent aussi à s’intéresser à cette clientèle. En conséquence, les charges financières grèvent davantage les marges nettes. Bien que les PME restent peu endettées avec un ratio d’endettement qui ne dépasse pas 36% et des charges financières frôlant à peine 3% du chiffre d’affaires, selon Inforisk. Pour les TPE, dont la majorité est encore exclue du financement, ces charges ne dépassent pas 0,3% du chiffre d’affaires.

D’après les données d’Inforisk, les hôtels et restaurants sont les premiers à faire les frais de l’effritement des marges. Ces activités affichent une marge nette de -2,7%. Des opérateurs parlent de pratiques répandues de noir et du poids important des amortissements pour justifier cette situation, étant donné que l’activité n’est pas exceptionnellement en baisse. 

L’industrie extractive, secteur à forte marge, a perdu environ 5 points sur fond de chute des cours mondiaux, à 12,8%. Plus résistante, l’industrie manufacturière, toutes filières confondues, a pu limiter la dégradation de sa marge nette. Elle se situe à 0,8%, fléchissant de 1,2 point entre 2012 et 2014. Ce secteur, avec une marge très faible, a pourtant un business modèle très mûr. La baisse émane surtout de fluctuations des prix des intrants, notamment l’énergie et la matière première.

Les marges des promoteurs immobiliers, secteur traversé par de fortes turbulences ces dernières années, ont baissé de 2 points pour s’afficher à 8,6% en 2014.

Autre secteur touché par la baisse de la rentabilité, le commerce et distribution a vu sa marge nette régresser légèrement à 2%, sachant que le secteur fait beaucoup de volume et peu de marge. «L’activité demeure très sensible aux fluctuations des prix et au cours de change du dollar, étant donné que la majeure partie des produits est importée», explique un opérateur. M. Diouri ajoute que le commerce est la première activité touchée par les défaillances d’entreprises et souffre de la concurrence de l’informel.

A l’opposé, le secteur de l’éducation a enregistré une hausse de sa marge nette de 0,8 point, à 3,6%. Son chiffre d’affaires a crû de 20% entre 2012 et 2014, selon Inforisk. Idem pour les services à la personne dont la marge a augmenté de 0,6 point, à 1,8%. Le secteur des transports et communication a maintenu sa marge nette stable autour de 10,3%, malgré les difficultés que connaissent plusieurs entreprises de transport.

Source : lavieeco.com


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